Histoires de ....

Une boule pour défier la foudre et cartographier la terre…

Le 1er août 1913, le numéro 331 du « Limoges illustré » vient de paraître. Paul Ducourtieux (1846-1925), imprimeur limougeaud et érudit membre de la société archéologique et historique du limousin fait part du « désir des gens de goût aussi bien de ceux de Limoges qui en possède, que de ceux de l’étranger » de remplacer cette boule par une plus petite qui serait supportable.
Mais de quelle boule s’agit-il là ?

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Cette boule est faite de laiton, pèse 600 kg, culmine à 70 mètres et est surplombée d’un paratonnerre. On la trouve au sommet du pharamineux clocher de l’église Saint-Michel-des-Lions érigé en 1383 qui est de style limousin, constitué de plusieurs étages, passant d’une base carrée à un sommet octogonal par le moyen de gâbles (pignons aigus).

Depuis sa construction, le clocher de l’église point culminant de la ville, subit à maintes reprises la colère des cieux. Mais c’est surtout le 10 novembre 1810, que la foudre s’abat une fois de plus, causant de sévères dommages au niveau de la flèche et écrasant une travée de la voûte ainsi qu’une partie du toit.

Les réparations ne commencent pas avant 1822. Elles sont longues et laborieuses. Le capitaine de Génie Brristroff, venu d’Alsace, dirige à ce moment-là, la construction de la caserne du Séminaire. Passionné de mathématiques et de physique, il a l’idée de faire façonner une énorme boule au sommet du clocher. De par sa position, sa forme et la brillance de son métal, cette boule aurait pour fonction, en plus de celle de protéger le clocher de la foudre, de faciliter le travail des cartographes qui utilisent le principe de triangulation. C’est un procédé mathématique qui permet en prenant trois points de référence se démarquant du reste du paysage, de calculer la distance entre eux et de transférer ces triangles sur des cartes, donnant ainsi, la possibilité de représenter un territoire.

La boule est ainsi forgée chez M.Deslignères qui exerce en tant que chaudronnier dans la rue Montant-Manigne. Et, le 6 septembre 1824, elle défile triomphalement avant son élévation, sur des charrettes trainées par des bœufs, suivie par la population enthousiaste.

Mais, malgré l’installation de la boule et de son paratonnerre, le clocher continue d’être touché lors de gros orages. Son état se détériore ainsi que celui des quatre clochetons, menaçant de s’effondrer sur les habitations autour de l’église. De lourds travaux s’imposent. Ils sont évalués à plus de 30 000 anciens francs et sont mis en adjudication le 27 juin 1912. Les entrepreneurs « M.M.Raphanaud frères » sont déclarés adjudicateurs. Le chantier commence début octobre et la boule doit être descendue.

Cependant, une fois, les échafaudages installés autour du clocher, la réalité de la situation est bien plus inquiétante que l’évaluation faite au départ.

La question cruciale du devenir de la boule est ainsi posée. Doit-on la remplacer ou la supprimer ?

Les travaux sont alors suspendus jusqu’à la résolution de la question.

S’en suivent alors de vifs débats entre détracteurs, qui voient l’opportunité de se débarrasser de ce géant « inesthétique bilboquet » peu conforme à une représentation traditionnelle d’ordre religieux ou artistique, et admirateurs qui s’extasient devant tant d’originalité et lui dédient des poèmes.

Au final, après une période de deux ans de longues polémiques, la décision est prise de remplacer la boule par une plus légère et ajourée, limitant ainsi sa prise au vent.

L’ancienne boule est ainsi déposée le 9 avril 1914, dans un contexte historique, comme chacun le sait, difficile. Elle est transportée et installée dans les jardins de l’Evêché où pendant une vingtaine d’années, elle fait la curiosité des promeneurs.

Durant la deuxième Guerre Mondiale, elle est saisie par l’occupant allemand pour être fondue.

En souvenir de cette première boule, il existe une sphère en granit au pied de la fontaine d’Aygoulène, place Saint-Michel.  Quant à la boule ajourée, elle trône toujours en haut du clocher de l’église devenue basilique le 2 février 2023 par décision du Pape François.

  • Photographies issues du fonds numérique Paul Colmar (en cours de traitement) et du Fonds iconographique 6Fi
  • Illustration extraite du Limoges Illustre d'août 1913
  • Affiche issue du Fonds 2M2
  • Illustration extraite du Fonds 64S1 : L'Historique monumental de l'ancienne province du Limousin de Jean-Baptiste TRIPON
  • Plan issu du Fonds 2M2
  • Dessin issu du Fonds 2M2

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