Histoires de ...., La ville

Histoires d’eaux et de fêtes au Pont Saint Etienne

Venez consulter le fonds d’archives des « Enfants de la Vienne », du lundi 4 juillet au vendredi 26 août 2022 de 9h à 12h et de 14h à 17h.

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Début du 20ème siècle : la Révolution industrielle et l’exode rural ont attiré une population ouvrière en nombre à Limoges. A l’écart de la ville, le quartier du Pont Saint Etienne s’étale sur les deux rives jusqu’au Pont Neuf; rive droite l’Abbessaille, le port du Naveix, le Masgoulet ; rive gauche, le Clos Sainte Marie et le Sablard. Les hommes et les femmes qui y vivent travaillent dur dans les nombreuses usines qui jalonnent les bords de Vienne.

Création de la Société nautique des « Enfants de la Vienne »

A Limoges, alors que la CGT voit le jour en 1895, les grèves et émeutes sanglantes de 1905 sont encore dans toutes les mémoires. C’est à cette époque que les sociétés philanthropiques et les syndicats revendiquent l’émancipation de la classe ouvrière en l’invitant à s’interroger sur ses conditions de vie et de travail. Dans le quartier du Pont Saint Etienne,  l’Université Populaire est fondée en 1901. D’autres associations coexistent, dont le but est de promouvoir le sport et le divertissement : les « Jeunesses Coopératives », les « Marins du Clos », et dès 1906, la « Société nautique des  Enfants de la Vienne ». Cette dernière est créée à  l’initiative de Louis Goujaud, Conseiller général habitant le port du Naveix, surnommé  L’Ami du peuple  et le préfet maritime.  Établir un lien de confraternité entre tous ses membres, faire du sport, et enseigner  la natation et le sauvetage pour éviter les noyades, tels sont les buts de cette association.

Naissance de la fête des ponts

Outre les activités sportives, Les « Enfants de la Vienne »  organisent des animations de qualité qui vont faire la renommée du quartier et attirer les gens de la « ville ». C’est la Vienne qui invite en été au bord de l’eau pour une toute nouvelle fête des ponts.

Organisée sur plusieurs jours, cette  fête autour de la rivière, alterne exploits, compétitions sportives et divertissements. A cette occasion, toute la  population du quartier est sollicitée : les maisons sont décorées de verdure, de fleurs rouges et lanternes multicolores. Les barques plates sont de sortie avec leur longue perche de châtaignier, appelé le « conte ». Les jeunes filles vendent des bouquets le matin du premier jour de la fête, et les femmes assurent la décoration florale des bateaux. « La grande affaire était la préparation de la fête des ponts, assumée collectivement, sans aide publique, mais avec l’assistance technique du brasseur Mapataud : elle impliquait la riche décoration des bateaux, transformés en nacelle fleurie, la mise au point de pantomimes comiques exécutées sur un radeau, et d’un feu d’artifice… » [1]

Concours et exploits nautiques

Au cours de la journée, des traversées de la Vienne à la nage, des joutes nautiques, des courses de barques à fond plat, alternent avec des concours de natation. En 1914 et 1946 eurent lieu des  démonstrations spectaculaires ; Paul Peyrusson, mort pendant le premier conflit  mondial, réalise « la comète de Peyrusson » en sautant dans la Vienne dans un sac enflammé, pour disparaitre dans l’eau et réapparaître ensuite délivré de son entrave. Jean-Baptiste Vergne réitère cet exploit des années plus tard depuis un plongeoir de 8 mètres de haut. Le saut s’appelle alors « le saut de Monte-Cristo » !

Et quand vient la nuit

La fête nocturne, quant à elle, se déroule entre concerts symphoniques sur la vienne, groupes musicaux, bals populaires et  retraites aux flambeaux, autour d’un pont Saint Etienne qui brille de mille et un feux grâce à la contribution de Paul Biles, directeur de  l’usine électrique dont la haute cheminée surplombe le quartier. 

La foule est enthousiaste et nombreuse, venue de tous les quartiers de Limoges  « Et l’on se crut à Venise, quand les bateaux merveilleusement et ingénieusement illuminés, quittèrent le port évoluant sur les eaux lumineuses en des courbes lentes et savantes » [2]

Une aventure collective

Au-delà de l’engagement de Louis Goujaud et Paul Biles,  l’association « Les Enfants de la Vienne » a existé grâce à la volonté et le dynamisme de nombreux habitants : Parmi eux certains noms sont encore présents dans la mémoire des plus anciens ponticauds dont Camille COLOMBEAU qui a formé plus de 2000 enfants à la natation et son frère, Michel COLOMBEAU, impliqué dans la Société pendant plus de 60 ans.

N’oublions pas  les propriétaires du quartier général des « Enfants de la Vienne », le café de la « Crotte de Poule » situé au Port du Naveix  et non loin d’un autre établissement célèbre pour ses fritures, le « Poisson Soleil ».

Progressivement, au fur et à mesure de la destruction du quartier, l’activité des « Enfants de la Vienne » s’est réduite à la participation au carnaval et à l’école de natation, dont les nageurs émérites  remporteront de nombreux prix.

La célèbre « fête des ponts » connaîtra une interruption, avant d’être reprise par différentes associations qui la font vivre encore aujourd’hui.

Depuis les années 80, les bords de Vienne ont fait l’objet de plusieurs réaménagements ; Désormais,  la Ville de Limoges, se revendiquant ville à la campagne, investit dans un projet d’envergure qui vise à « régénérer le lien entre  la ville et sa rivière et favoriser les mobilités douces, renforcer la réappropriation des bords de Vienne par les habitants en affirmant le site comme lieu de loisirs, de sports et d’événements et révéler l’héritage bâti, historique, industriel, qui participe à la mémoire des lieux ». [3]

Les histoires d’eaux et de fêtes en bords de Vienne, qu’es pas chabat !

 

Références :

  • [1] Jean-Pierre Cavaillé. « Fragment de mémoires limougeaudes : un collectage dans les quartiers des Ponts à Limoges ». In Lemouzi n°197. 2011
  • [2] Le populaire du centre. 23 juillet 1907
  • [3] Site internet de la ville de Limoges. 2022

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